L’utilité des chaînes de blocs en immobilier

Dix ans après leur apparition, les chaînes de blocs demeurent un mystère. Cette technologie souvent mal comprise ne fait pas l’unanimité dans le secteur immobilier. Certains la voient comme une idée prometteuse qui n’a jamais pris son envol. D’autres sont convaincus de son potentiel pour sécuriser et simplifier les transactions, et contribuent activement à en faire un incontournable du secteur immobilier.

En gros, une chaîne de blocs est un registre de documents, entièrement sécurisé et impossible à falsifier. Chaque document est conservé dans un « bloc » de la chaîne, et le contenu de chaque bloc doit concorder avec celui des blocs qui le précèdent et lui succèdent, sans quoi la chaîne entière devient invalide. Puisqu’on ne peut pas pirater un bloc sans briser la chaîne, l’authenticité est garantie.

Dans un secteur où les fraudes sont de plus en plus communes, une technologie aussi sécuritaire serait la bienvenue. En 2018, 11 300 personnes ont été victimes de fraude immobilière aux États-Unis, soit une hausse de 17 % comparativement à 2017. Au Canada, le cabinet national d’experts-comptables MNP a révélé que la fraude hypothécaire figurait parmi les sept types de fraudes les plus fréquentes en 2019.

« Les chaînes de blocs pourraient dans les faits éradiquer les fraudes électroniques », déclare John DiMichele, chef de la direction de la Toronto Regional Real Estate Board (TRREB). « Ce type de fraude pose un problème aux États-Unis depuis un certain temps, et on commence à le voir ici, au Canada. »

Les chaînes de blocs peuvent aussi contenir des répertoires de documents importants, comme des actes, des baux et d’autres contrats. Étant donné le traitement rapide et continu des données, les mises à jour sont publiées presque instantanément, ce qui élimine les échanges manuels de documents.

Selon Josh Nekrep de FX1 Realty, à Winnipeg, au Manitoba, ce système blindé de conservation des documents est tout indiqué pour le secteur immobilier, surtout pour la gestion des titres. « Les chaînes de blocs dissipent toute confusion sur le propriétaire d’un bien », explique-t-il. « Ces registres publics immuables attestent le droit de propriété avec une précision mathématique. »

Ce n’est que le début

Dans bien d’autres secteurs, les organisations profitent déjà des avantages que procurent les chaînes de blocs. Les Nations Unies les utilisent pour lutter contre la traite de personnes, et Walmart, pour assurer la salubrité des aliments. Certaines œuvres de bienfaisance ont réduit considérablement leurs coûts d’exploitation en se servant de cette technologie pour les transferts de fonds. Le secteur immobilier cependant commence tout juste à découvrir les possibilités, croit M. DiMichele.

« Prenons les contrats intelligents », propose David Conroy, directeur des nouvelles technologies de la National Association of REALTORS® (NAR). « Ils permettent en somme d’automatiser certaines parties de la transaction avec une fiabilité à toute épreuve, par exemple en débloquant ou en transférant des fonds quand certaines conditions sont respectées, alors qu’un traitement manuel était auparavant nécessaire. »

M. Conroy ajoute que les chaînes de blocs peuvent conserver des données beaucoup plus complexes que celles qui sont actuellement transmises aux parties d’une transaction immobilière. Il laisse entendre que les propriétés pourraient un jour être assorties d’un identifiant unique, comme les véhicules, ce qui donnerait accès à une variété de données historiques.

« Quand on achète une voiture, le numéro d’identification du véhicule nous renseigne sur les anciens propriétaires, les accidents s’il y a lieu, et les entretiens réalisés », explique-t-il. « Grâce aux chaînes de blocs, un acheteur pourrait avoir accès à ce type de renseignements sur une résidence, comme les réparations et les rénovations effectuées et le coût des services publics, au lieu de se fier à ce que les propriétaires précédents ont choisi de révéler. »

Mises en application

L’un des principaux obstacles à l’adoption des chaînes de blocs : la réglementation actuelle, qui a principalement été établie pour un monde analogique.

« Les organismes de réglementation ont une aversion pour le risque, et n’évoluent pas du tout au rythme des technologies », explique M. Nekrep. « Il leur semble souvent plus simple de préserver le statu quo, où les chaînes de blocs n’ont pas leur place. »

Malgré ce défi réglementaire, l’ACI et la TRREB développent activement des solutions de chaîne de blocs pour le secteur immobilier. Au sein de la TRREB, ce travail a commencé en 2017. L’organisation s’est intéressée à la manière dont les autres secteurs avaient appliqué la technologie. Elle a conclu qu’il valait mieux adapter les chaînes de blocs au secteur immobilier que l’inverse – autrement dit, il fallait créer une plateforme sur mesure. Une fois parachevée et fonctionnelle, la solution de la TRREB facilitera, grâce à diverses applications, le processus de vente et d’achat de biens immobiliers, du contrat à la mutation.

L’ACI collabore avec l’Ontario Real Estate Association et la Kitchener-Waterloo Association of REALTORS® pour mettre au point une solution qui permet d’effectuer un meilleur suivi des titres professionnels des membres. L’information est actuellement conservée de manière cloisonnée dans les bases de données des différentes organisations. Ce projet pilote vise à établir un registre distribué des activités des membres aux trois échelons du secteur structuré de l’immobilier : municipal, provincial et national.

« En ayant facilement accès à des données fiables, l’ACI et d’autres organisations pourront garantir que les professionnels détiennent les bons titres de compétence », précise Kriteen Lahiry, directeur, Développement des produits et Infotechnologie à l’ACI. « Elles pourront aussi choisir avec plus de discernement les personnes à qui elles confieront des projets ou des sièges à un comité. »

Le point sur la cryptomonnaie

Les chaînes de blocs étaient auparavant étroitement associées aux cryptomonnaies, comme le bitcoin. Même si ce n’est plus le cas, une question demeure : les cryptomonnaies ont-elles leur place dans l’avenir du secteur immobilier? Jusqu’à présent, un nombre relativement limité de transactions ont été conclues en cryptomonnaies – ce dont le propriétaire-vendeur et l’acheteur doivent tous deux convenir. De plus, aucune infrastructure qui appuie leur utilisation massive n’existe en immobilier.

L’avenir des chaînes de blocs

L’investissement fractionnaire pourrait s’imposer, tant à l’échelle nationale qu’internationale, comme l’une des principales applications des chaînes de blocs. À l’heure actuelle, un bien immobilier ne peut généralement être acheté et vendu qu’en une unité, ce qui limite le nombre d’investisseurs qui peuvent apporter des capitaux dans un projet. Cette situation place également l’investissement immobilier hors de la portée de la plupart des gens.

« Les chaînes de blocs permettent de segmenter une propriété et d’en vendre de micro-portions, un peu comme le financement participatif », explique Josh Nekrep. « Les propriétaires peuvent ainsi réunir des capitaux sans vendre ou hypothéquer de nouveau toute la propriété, et un nombre bien plus élevé de personnes peuvent investir, à moindre coût, dans l’immobilier. Cette façon de faire démocratisera tout le secteur. Un camelot pourra investir dans le marché immobilier international. »

Le chiffrement qui assure la sécurité des chaînes de blocs pourrait renforcer la confidentialité des transactions immobilières, par exemple quand une personne demande un prêt ou veut louer un appartement, grâce à ce qu’on appelle la « preuve à connaissance nulle ».

« Les processus actuels obligent les locateurs et les locataires à s’échanger de nombreux renseignements, alors que tout ce que le locateur veut savoir, c’est si le locataire paiera le loyer », explique M. Conroy. « Une chaîne de blocs pourra lui donner une réponse fiable à cette question, sans lui transmettre tous les détails superflus. »

Selon l’ACI, la TRREB, la NAR et d’autres organisations, la collaboration entre les secteurs et les régions sera essentielle pour réaliser le potentiel des chaînes de blocs.

« De nouvelles solutions voient continuellement le jour, et nous avons la chance d’être à la tête du mouvement dans le secteur immobilier », conclut M. DiMichele. « Quand la technologie aura évolué et qu’elle sera plus largement adoptée, les possibilités seront illimitées. »

Sharon von Schoenberg, directrice adjointe, Programmes internationaux et commerciaux, contribue à la stratégie internationale de l’ACI visant à ouvrir à nos membres de nouveaux débouchés à l’étranger. Elle compte plusieurs initiatives à son actif, notamment le programme des affiliés internationaux, l’établissement de relations avec des associations et organisations commerciales internationales, la création d’occasions de formation pour nos membres et l’adaptation du site REALTOR.ca en fonction des visiteurs internationaux. Avant de se joindre à l’ACI, Sharon a été évaluatrice résidentielle au Canada et a occupé des postes en marketing et en gestion de la clientèle dans les secteurs privé et sans but lucratif. Sharon est titulaire d’un baccalauréat en commerce de l’Université d’Ottawa et a obtenu les titres cadre d’association émérite et CIPS. Mère de deux adolescents, Sharon trouve son équilibre dans la pratique du yoga.


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