Cryptomonnaie : à quoi s’attendre dans le secteur immobilier

Vous avez sûrement entendu parler de cryptomonnaie et de chaînes de blocs ces dernières années. Les médias font état de leur utilisation toujours plus courante, de leurs avantages et de leurs applications possibles, mais de quoi s’agit-il exactement? Et en quoi ces technologies pourraient-elles transformer le secteur immobilier?

Les cryptomonnaies sont des monnaies numériques complètement décentralisées. Si les monnaies traditionnelles sont émises par des banques centrales – qui déterminent le moment d’émettre et de distribuer les unités monétaires et leur quantité – les cryptomonnaies sont produites spontanément et continuellement à l’issue d’un processus appelé minage. Les mineurs consacrent des capacités informatiques à la résolution de calculs mathématiques complexes, qui permettent la vérification des opérations en cours et produisent dans la foulée d’autres unités monétaires. Ces calculs complexes assurent la sécurité et l’intégrité de l’ensemble du système de cryptomonnaie.

Une chaîne de blocs s’apparente à un grand livre numérique dont les entrées ne peuvent être modifiées, ce qui assure la grande fiabilité du système. Chaque enregistrement d’une opération constitue un bloc de la chaîne de blocs. Le grand livre représente ces blocs mis à la chaîne, soit une série d’opérations vérifiées par le réseau. Au lieu d’un seul ordinateur, ce sont plusieurs appareils reliés qui gardent la trace de chaque opération. Les ordinateurs peuvent donc communiquer et vérifier si leurs données sur une opération correspondent. Si l’information conservée par un appareil diffère, elle est considérée comme fausse, et mise de côté.

Price of bitcoin.

Utilisation de la cryptomonnaie dans le secteur immobilier

Josh Nekrep, membre de l’ACI œuvrant pour Century 21 Carrie, explique que les opérations en cryptomonnaie sont rares au Canada parce qu’elles nécessitent une expertise technique poussée.

« Les membres de l’ACI ont une compréhension des cryptomonnaies qui s’apparente à celle du grand public », précise-t-il. « Presque tout le monde a vaguement entendu parler de la technologie, mais seule une petite partie de la population – quoique grandissante – l’utilise activement. »

Si des opérations immobilières en cryptomonnaie ont été effectuées aux États-Unis – la plus importante visant l’achat par un entrepreneur de Silicon Valley d’un terrain de 1,4 acre à North Lake Tahoe en Californie pour 2 739 bitcoins (environ 1,6 M$ US à l’époque) –, elles n’y sont pas non plus très répandues.

Quand on a recours aux cryptomonnaies dans une opération immobilière, c’est souvent indirectement : l’acheteur convertit la monnaie numérique en argent pour acheter la propriété.

Il est difficile de mesurer l’utilisation que font les sociétés immobilières des chaînes de blocs, puisque leurs données ne sont pas publiées, mais certaines y ont recours par l’intermédiaire de plateformes comme Ubitquity, une entreprise américaine qui se présente comme la première plateforme de tenue de registres immobiliers sécurisée par une chaîne de blocs. Les municipalités, les bureaux du cadastre, les compagnies d’assurance de titres et les communautés s’en servent pour tenir un registre clair du droit de propriété.

Nathan Wosnack, fondateur, président et chef de la direction d’Ubitquity, explique que la sécurisation des opérations par une chaîne de blocs permet une tenue de registre plus rapide et précise, diminuant les réclamations et les charges d’exploitation et accélérant les délais de clôture pour les courtiers et agents.

Wosnack souhaite rendre l’expérience utilisateur la plus intuitive possible. Il espère que les professionnels de l’immobilier ne verront aucune différence entre une base de données fondée sur une chaîne de blocs et une base de données traditionnelle – outre la vitesse de recherche et l’exactitude des résultats.

Flou réglementaire

Selon Allison McLure, notre avocate-conseil, il ne semble y avoir aucune réglementation régissant l’utilisation de la cryptomonnaie dans le secteur immobilier au Canada. Cela dit, si un Canadien voulait échanger une cryptomonnaie contre un bien immobilier, la société immobilière pourrait l’accepter à sa discrétion.

Au Canada, le secteur immobilier est de compétence provinciale/territoriale, et les autorités n’ont toujours pas réglementé l’utilisation des cryptomonnaies. Les conseils immobiliers de l’Ontario et de la Colombie-Britannique, qui se sont intéressés au sujet, nous mettent en garde contre certains risques, dont l’utilisation des cryptomonnaies dans le cadre de vols d’identité et de fraudes sur titre.

Selon Chad Curry, directeur du Center for REALTOR® Technology, un groupe de recherche formé par la National Association of REALTORS® (NAR) aux États-Unis, la situation réglementaire est similaire chez nos voisins du sud. La Securities and Exchange Commission commence à appliquer les lois sur les valeurs mobilières existantes aux cryptomonnaies.

« Je crois qu’elle a d’abord adopté une approche attentiste », précise M. Curry. « Elle surveille maintenant les entreprises qui se servent des cryptomonnaies pour obtenir des capitaux, et en poursuit même certaines pour fraude. État par État, les gouvernements accomplissent un travail de définition de ces paramètres, mais ne consacrent pas beaucoup d’efforts à la réglementation. »

Resources for members.

Dans un contexte non réglementé, la cryptomonnaie pourrait servir à commettre un acte illégal, comme le blanchiment d’argent. Plus tôt cette année, le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) a informé l’ACI que les cryptomonnaies n’étaient considérées ni comme de l’argent ni comme des fonds aux termes de sa législation.

Par conséquent, les exigences de déclaration et de conservation de documents imposées par les lois sur le blanchiment d’argent au Canada ne s’appliquent pas aux monnaies virtuelles. Cela dit, le gouvernement du Canada a récemment proposé des modifications à des règlements qui assujettiront les monnaies virtuelles à ces lois, ce qui contredira cette interprétation de la politique.

« Les cryptomonnaies en soi ne sont pas douteuses, mais les courtiers et agents immobiliers doivent tout de même prendre des précautions », prévient Mme McLure. Elle conseille aux membres de l’ACI de prendre connaissance des Lignes directrices du CANAFE sur les opérations douteuses et de signaler toute opération en cryptomonnaie qui semble suspecte.

Suite des choses

Malgré le flou réglementaire qui entoure ces technologies encore à leurs balbutiements, leurs applications potentielles pour l’immobilier sont prometteuses.

Les cryptomonnaies pourraient non seulement servir à vendre et à acheter une propriété, mais aussi à ouvrir de nouvelles possibilités d’investissement – en tenant lieu de jetons représentant une part de propriété. Les gens pourraient ainsi investir dans des biens immobiliers majeurs, comme des immeubles de bureaux ou des hôpitaux, moyennant une somme d’argent bien inférieure à celle nécessaire habituellement. Ces investisseurs à jetons profiteraient des rendements de leur placement et de certains avantages, comme des droits de vote. Les promoteurs pourraient également financer efficacement de nouvelles propriétés en accumulant des centaines, voire des milliers, de micro‑investissements du public.

Si les cryptomonnaies doivent encore être mises au point, les membres de l’ACI ne devraient pas les ignorer ni tenir pour acquises leurs imperfections, selon M. Nekrep.

« C’est impossible de concevoir toutes les utilisations qu’on en fera », ajoute-t-il. « Aux débuts de l’Internet, personne n’aurait pu prévoir l’avènement des services comme Netflix et YouTube. La vitesse, la capacité de traitement et la bande passante ne nous le permettaient pas à l’époque. De la même manière, la cryptomonnaie pose un éventail de défis techniques. Quand nous les aurons surmontés, qui sait les possibilités qui s’offriront à nous? »

Quant aux chaînes de blocs, M. Wosnack croit qu’elles « sous-tendront le processus immobilier », et qu’en raison de leur inaltérabilité, elles seront utilisées entre autres par les municipalités, les bureaux d’enregistrement, les agences de tenue de dossiers électroniques et les compagnies d’assurance de titres pour réduire au minimum les fraudes et la corruption.

Selon M. Curry, les chaînes de blocs pourraient également contribuer à la gestion des actifs, permettant de consulter un historique exact du rendement et de l’entretien d’une maison.

Alors qu’on entend dire que l’automatisation et les autres technologies rendront désuets bien des emplois, les membres de l’ACI devraient-ils craindre qu’au lieu de leur faciliter la tâche, les chaînes de blocs leur coupent l’herbe sous le pied?

« Des membres nous ont demandé si les chaînes de blocs les remplaceront », explique M. Curry. « La réponse est non. Certaines parties du processus seront simplifiées, mais bien des tâches qu’accomplissent les professionnels de l’immobilier ne peuvent être automatisées. »

Sharon von Schoenberg, directrice adjointe, Programmes internationaux et commerciaux, contribue à la stratégie internationale de l’ACI visant à ouvrir à nos membres de nouveaux débouchés à l’étranger. Elle compte plusieurs initiatives à son actif, notamment le programme des affiliés internationaux, l’établissement de relations avec des associations et organisations commerciales internationales, la création d’occasions de formation pour nos membres et l’adaptation du site REALTOR.ca en fonction des visiteurs internationaux. Avant de se joindre à l’ACI, Sharon a été évaluatrice résidentielle au Canada et a occupé des postes en marketing et en gestion de la clientèle dans les secteurs privé et sans but lucratif. Sharon est titulaire d’un baccalauréat en commerce de l’Université d’Ottawa et a obtenu les titres cadre d’association émérite et CIPS. Mère de deux adolescents, Sharon trouve son équilibre dans la pratique du yoga.


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