Si jamais vous vous rendez à Decentraland explorer la Crypto Valley, levez un moment les yeux vers le siège social de Tokens.com dans ce métavers. Au-delà de la facture visuelle de l’immeuble, avec piscine à débordement sur le toit, attardez-vous à son potentiel. Vous avez peut-être devant vous l’avenir de l’immobilier.
Qu’est-ce que le métavers? Devez-vous vous intéresser à l’immobilier virtuel? Ce monde, sa technologie et son vocabulaire sont encore naissants. Voyons quand même d’un peu plus près ce que les courtiers et agents immobiliers devraient savoir à leur sujet.
L’immobilier du métavers, qu’est-ce que ça mange en hiver?
On n’entre pas dans les propriétés de cet univers comme on entre dans un chalet à vendre à Muskoka (quoique certaines propriétés à vendre du monde réel ont maintenant leur jumelle en ligne). Il faut utiliser un avatar, soit une représentation numérique de soi-même qu’on peut faire marcher, courir et sauter dans des univers virtuels appelés métavers. Mais tout ça est encore très embryonnaire. Pour le moment, un avatar se déplace dans un métavers un peu comme un éléphant dans un magasin de porcelaine.
Bien qu’il y ait encore plusieurs métavers, on utilise souvent le terme au singulier pour désigner collectivement ces nouveaux mondes où l’on peut rencontrer des amis, assister à des concerts, jouer et, oui, acheter et vendre de l’immobilier. L’idée n’est pas nouvelle; déjà, au début des années 2000, le lieu de rassemblement virtuel Second Life annonçait ce qui prend forme aujourd’hui.
Ces dernières années, le secteur a adopté un certain nombre de technologies virtuelles et immersives. Par exemple, l’agence immobilière eXp Realty utilise depuis 2016 un campus dans le nuage : « eXp World », une plateforme interactive de formation et de réseautage pour les agents et employés de l’entreprise, tous télétravailleurs.
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Sur REALTOR.ca, le site immobilier le plus populaire au Canada, la pandémie de COVID-19 a fait monter en flèche l’utilisation de technologies intégrées de visite virtuelle/3D, comme Matterport et iGuide.
« Avant la pandémie, 15 % des inscriptions comprenaient une visite virtuelle; la proportion avoisine aujourd’hui 30 %. La demande est là, et on ne peut que se réjouir de voir les courtiers et agents immobiliers adopter ces outils, puisque c’est bon pour le taux de conversion, dit Patrick Pichette, vice-président, REALTOR.ca. Mais de là au métavers, le pas à franchir est énorme, et on est encore à un stade très spéculatif. Il faut donc prendre le temps de s’informer et avancer avec prudence. Il est trop tôt pour savoir quel monde numérique l’emportera – souvenons-nous que MySpace a précédé Facebook. Et peut-être que tout ça ne sera qu’un feu de paille. »
La plupart des gens seront assez déboussolés dans un univers de réalité virtuelle, quel qu’il soit, qui offre des occasions d’affaires aux investisseurs en immobilier. Decentraland, The Sandbox, Somnium Space, Upland et Cryptovoxels n’en sont que quelques exemples.
Par où peuvent commencer les courtiers et agents immobiliers curieux d’explorer ce monde en éclosion, mais en proie à la spéculation?
« Il n’existe pas encore de guide du métavers pour les professionnels de l’immobilier, note Andrew Kiguel, cofondateur et chef de la direction de Tokens.com, qui préside aussi le conseil d’administration de Metaverse Group, sa filiale torontoise qui se targue d’être la première entreprise d’immobilier virtuel au monde. Une des premières étapes à suivre [pour les courtiers et agents immobiliers] serait donc d’aller voir, de s’informer pour commencer à comprendre ce qu’est le métavers. »
En novembre 2021, Tokens.com a réalisé la plus grande acquisition de terrains du métavers réalisée jusque-là, en achetant pour 2,5 millions de dollars un domaine de 116 parcelles dans l’un des quartiers (virtuels) les plus populaires de Decentraland, le Fashion District. L’entreprise monétisera ses terrains (virtuels) grâce à de la publicité, à des locations et à des festivals.
Andrew Kiguel pense que les courtiers et agents immobiliers pourraient transférer une partie de leurs compétences du monde réel dans la sphère numérique en apprenant à bien connaître des quartiers virtuels, au même titre que s’ils connaissaient un quartier de Calgary, par exemple, sachant quelles propriétés ont de la valeur et pourquoi. Ils pourraient aussi rendre l’aspect technologique moins intimidant pour leurs clients en leur montrant comment fonctionnent les cryptomonnaies et l’achat de terrains virtuels.
Acheter et vendre des terrains virtuels
Pour le moment, l’achat et la vente d’immobilier dans le métavers sont considérés comme une activité à risque élevé assortie d’un potentiel de rendement élevé.
Avant tout, il faut prendre le temps de s’informer. Quiconque veut acheter et vendre des terrains (virtuels) doit s’attendre à devoir se familiariser avec les cryptomonnaies, les chaînes de blocs, les portefeuilles de cryptomonnaies et les jetons qui servent de monnaie dans chaque métavers (par exemple, Decentraland utilise le jeton MANA, tandis que The Sandbox utilise le jeton SAND). The Sandbox a préparé un document d’information sur l’achat de terrains, qui peut être pratique pour les débutants. Ces derniers devront cependant bien approfondir leurs connaissances sur le métavers qui les intéresse.
L’emplacement et la rareté, fondements immuables
Les prix de l’immobilier dans le métavers ont grimpé de 700 % en 2021, selon un rapport du Centre for Finance, Technology and Entrepreneurship publié en janvier 2022. Un admirateur de Snoop Dogg a déboursé 450 000 $ pour devenir le voisin virtuel du rappeur dans The Sandbox. Les lots les moins chers de Decentraland se vendent plus de 10 000 $. À l’autre bout du spectre, la stratosphère virtuelle est sans limites.
Pour les investisseurs, les motivations de l’achat, de la vente et de la construction dans le monde virtuel sont généralement les mêmes que dans le monde réel, à cela près que, pour le moment du moins, la qualité de vie y importe moins que les possibilités de spéculer et de se vanter de ses prouesses.
Le principe de la rareté s’applique aussi dans le métavers comme dans le monde réel : Decentraland n’a que 90 000 lots virtuels à vendre.
Enfin, au-delà de l’emplacement, il faut tenir compte de ce qui l’entoure. L’investisseur place ses billes au cœur ou à proximité d’un milieu qui attirera des consommateurs, des expériences et les marques qui les offriront. Toutefois, nous le disions plus tôt, bien malin qui saurait dire quel métavers imposera sa suprématie, et combien de temps il sera roi.
Courbe d’apprentissage prononcée en vue
Fait certain, on ne devient pas spécialiste du métavers du jour au lendemain. Les courtiers et agents immobiliers déjà peu à l’aise avec l’exploration en ligne seront bien en peine de parler à leurs clients du Web3, un Internet décentralisé du futur arrimé à la chaîne de blocs et à l’économie basée sur les jetons.
« Je pense qu’il y aura un rôle à jouer [pour les courtiers et agents immobiliers], dit M. Kiguel. Je reçois beaucoup de messages de professionnels qui se demandent quelle sera leur place dans ce nouveau marché. Mon instinct me dit qu’il faudra offrir des services plus spécialisés. Il faudra des compétences techniques que la plupart des professionnels de l’immobilier ne possèdent pas en ce moment, selon moi. »
Autrement dit, dans ces mondes virtuels naissants qui gagnent progressivement en popularité, le rôle des courtiers et agents immobiliers reste à définir. Les règles de gouvernance évoluent grâce aux organisations autonomes décentralisées, mais il n’existe pas encore d’organisme d’accréditation des professionnels de l’immobilier dans ces univers. On ne sait pas non plus quel rôle joueront les organismes de réglementation provinciaux dans le métavers… si jamais ils en jouent un.
Même si les compétences futures que doivent posséder les courtiers et agents immobiliers changent complètement de celles qu’ils possèdent aujourd’hui, la qualité du service sera toujours au cœur de leur réussite. Le savoir-faire technique n’en demeure pas moins essentiel pour explorer les possibilités des mondes virtuels.