Quelle sera l’incidence d’un vaccin contre la COVID-19 sur les marchés immobiliers canadiens?

Près d’un an après le premier cas signalé de COVID-19, des géants pharmaceutiques ont annoncé l’arrivée imminente d’un vaccin.

Pfizer et Moderna ont vanté leurs recherches, et le Canada a signé un contrat avec les deux pour s’assurer de millions de doses. Au total, le Canada a acheté plus de 358 millions de doses auprès de sept entreprises selon Radio-Canada.

Si des pays ont annoncé qu’ils administreraient le vaccin à leurs citoyens dès décembre 2020, la majorité des Canadiens devront attendre un peu plus longtemps. Or, il y a tout de même de la lumière au bout du long tunnel de cette pandémie.

Un vaccin sûr, efficace et accessible mettrait fin au confinement et aux autres restrictions sanitaires. Nous avons demandé à notre équipe d’économistes quelle sera l’incidence, selon eux, de cette nouvelle sur l’économie et les marchés de l’habitation au Canada.

En quoi un vaccin influencera-t-il en général l’économie?

Les personnes vaccinées pourront sortir de chez elles et interagir avec les autres sans craindre la maladie. Doug Blissett, économiste à l’ACI, croit que bon nombre de Canadiens voudront rattraper le temps perdu en voyageant ou en passant plus de temps avec leurs amis dans les restaurants et les bars.

« Mais dans certains secteurs, la reprise dépendra de la propension des gens à conserver les habitudes prises pendant la pandémie. Certains continueront peut-être à recevoir leurs amis chez eux, puisqu’ils économisent le pourboire et paient leurs boissons moins cher », explique M. Blissett. « De nombreux secteurs ont connu une forte activité pendant le confinement, dont ceux des électroménagers, de l’équipement sportif et de la vente de véhicules. Ces détaillants verront peut-être une baisse de la demande quand le vaccin sera largement accessible. Or, les détaillants et les fabricants de vêtements attendent impatiemment le moment où les gens porteront autre chose que des pantalons de pyjama pour travailler. »

L’économiste à l’ACI Ryan Biln note quant à lui qu’il faudra du temps à l’économie pour rattraper les retards causés par la pandémie.

« Les petites entreprises et les travailleurs du secteur des services ont particulièrement écopé – il y a encore près de 575 000 personnes sans emploi en raison des restrictions sanitaires (en date de novembre 2020). » Pour connaître d’autres tendances de l’emploi, consultez CREAstats.ca.

Quelle sera l’incidence d’un vaccin sur les taux d’intérêt?

En octobre 2020, la Banque du Canada a annoncé qu’elle s’attendait à ce que les taux d’intérêt restent bas pour au moins les trois prochaines années.

Un vaccin ne changera rien du jour au lendemain, selon nos économistes.

« Un vaccin représente certainement une bonne nouvelle pour l’économie, mais nous sommes encore très loin d’un retour à la normale. Il faudra un certain temps pour que les gens retrouvent un sentiment de confiance. On peut s’attendre à ce que les ménages hésitent davantage à puiser dans leurs épargnes de précaution. Les taux d’intérêt resteront donc longtemps inférieurs aux niveaux historiques », explique M. Blissett.

Il est toutefois possible, selon M. Biln, que les taux d’intérêt augmentent graduellement si l’inoculation fonctionne.

« Si le vaccin est bien déployé et s’il protège effectivement la population ces deux prochaines années, le gouvernement pourra consacrer ses efforts à promouvoir la croissance économique et à aider les Canadiens à reprendre le travail », ajoute-t-il. « La Banque du Canada a indiqué que si les conditions économiques s’amélioraient, les taux d’intérêt pourraient augmenter en 2023. »

Quelle sera l’incidence du vaccin sur les tendances en matière de migration?

Un vaccin efficace facilitera beaucoup les déplacements, précise M. Biln.

« Quand les frontières rouvriront, on peut s’attendre à une reprise en force de l’immigration internationale. Le Canada est un pays attrayant qui gère la pandémie beaucoup mieux que d’autres nations », explique-t-il.

M. Blissett est du même avis, ajoutant que « les quatre dernières années ont été marquées par un taux d’immigration record. Le Canada est encore une terre d’accueil remplie de promesses, peut-être même encore plus qu’avant la pandémie. »

« Les cibles d’immigration rehaussées qu’on a récemment annoncées seront fort probablement atteintes grâce aux personnes cherchant des occasions ici », explique-t-il.

La pandémie a en général incité les gens à repenser l’endroit où ils veulent vivre, croit Shaun Cathcart, économiste principal à l’ACI.

« Si les changements qui touchent actuellement nos vies deviennent permanents, et s’ils ont une incidence sur l’endroit où nous voulons vivre et sur notre mode de vie, on verra probablement des gens, qui croyaient au début de l’année passer leurs vieux jours où ils habitent actuellement, décider finalement de déménager. Le marché a subi une secousse ou un revirement qui n’aurait autrement pas eu lieu. Les marchés de la revente pourraient donc connaître un niveau d’activité beaucoup plus élevé avec tous ces déménagements. »

Quelle sera l’incidence du vaccin sur l’abordabilité du logement?

Dans la plupart des marchés, deux facteurs influencent l’abordabilité : les revenus de l’acheteur et la disponibilité des logements, explique M. Blissett.

« La réouverture des entreprises améliorera certainement les revenus de bien des travailleurs du secteur des services, ce qui les aidera à faire leur entrée sur le marché », ajoute-t-il. « Pour ce qui est de l’offre, elle devrait augmenter à mesure de la reprise des activités de construction. Sur le marché de la revente, l’offre devrait aussi s’étoffer quand les gens qui hésitaient à mettre leur propriété en vente pendant la pandémie se sentiront à l’aise de le faire. Et la demande pour ces propriétés est indubitablement forte. »

On observait déjà des problèmes d’abordabilité à l’échelle du pays avant la pandémie, et M. Biln croit qu’ils devraient se poursuivre, mais en touchant peut-être d’autres régions.

« Si le télétravail et le travail effectué par Internet continuent d’avoir la cote, on pourrait observer des problèmes d’abordabilité dans des régions du pays qui y avaient échappé jusqu’à présent, comme les banlieues éloignées ou les villes rurales », explique-t-il.

Dans combien de temps verrons-nous une incidence sur le marché de l’habitation?

Notre équipe d’économistes convient qu’étant donné les conditions serrées qui prévalent actuellement, l’incidence sur le marché de l’habitation sera immédiate.

« Le marché n’a jamais été aussi restreint dans bien des régions du pays. Or, quand un vaccin efficace sera déployé, plus de propriétés pourraient être mises en vente, puisque les propriétaires se sentiront plus à l’aise de faire visiter leur résidence aux acheteurs », précise M. Biln.

M. Blissett ajoute : « Comme pour l’application des mesures de confinement, je crois que le marché de l’habitation réagira assez rapidement; les gens n’hésiteront pas à acheter une copropriété au centre-ville pendant qu’elle est disponible, ni à se qualifier pour la propriété qu’ils cherchent une fois qu’ils auront retrouvé leur source de revenus. Le marché de l’habitation est intrinsèquement lié à l’économie dans son ensemble. »

Selon M. Cathcart, même si 2020 a été l’année de tous les records, on peut s’attendre à encore plus d’activité quand les gens verront leur emploi et l’économie en entier se stabiliser.

« Les gens ne sont pas portés à bouleverser leur vie et à déraciner leur famille sur un coup de tête, en raison de circonstances qu’ils estiment temporaires ou à une époque où l’avenir est fort incertain. Ce sera la différence entre la nouvelle normalité et l’ancienne qui déterminera comment les gens planifieront leur vie pour les années à venir », précise-t-il. « Deux heures de transport, c’est beaucoup chaque jour pour aller travailler; une fois par semaine, ça devient plus acceptable. Or, nous sommes encore en pleine pandémie. Je crois que nous pourrons réellement réorganiser nos vies quand nous serons certains du fonctionnement des choses, une fois la COVID-19 bel et bien derrière nous. »

La distribution du vaccin aura-t-elle une incidence différente sur les divers marchés, en fonction notamment de la proximité et de la population?

« La possibilité de travailler à distance et la diminution des avantages de la ville, dense et connectée, ont renforcé l’attrait des maisons unifamiliales plus éloignées du centre-ville. Or, tout dépendra des habitudes que conserveront les gens : renonceront-ils aux grands espaces pour se rapprocher de l’action et des possibilités, ou ont-ils pris goût au jardinage et à leur sous-sol? », explique M. Blissett.

Par rapport à ces maisons, le marché des copropriétés a connu une faible activité cette année. M. Cathcart croit qu’un vaccin freinera cette tendance.

« Si un vaccin efficace parvient à éradiquer ce virus qui nous effraie tant, et si les bars, les restaurants, les théâtres et les autres établissements peuvent rouvrir leurs portes, je crois qu’on peut s’attendre à ce que cette tendance se renverse. Là où le bât pourrait blesser, c’est que si le télétravail se maintient post-pandémie, il pourrait éliminer la nécessité d’habiter près du bureau », note-t-il, en ajoutant qu’un mode de travail hybride ou plus flexible pourrait avoir une incidence majeure sur l’endroit où les gens habiteront.

« Cela dit, l’un des problèmes qui touchent les villes les plus chères, c’est que bon nombre de travailleurs du secteur des services n’ont pas les moyens d’habiter près de leur lieu de travail », poursuit M. Cathcart. « Et ces travailleurs ne peuvent pas travailler à domicile. On pourrait donc assister à une sorte de revirement : les personnes qui n’ont plus besoin de vivre au centre-ville vendent leurs copropriétés à celles qui doivent y habiter, alors que les entreprises du secteur des services rouvrent leurs portes. Bien entendu, ce n’est que pure spéculation. »

Selon M. Cathcart, peu importe comment on aborde la chose, un vaccin donnera lieu à plus d’occasions de vendre et d’acheter des propriétés.

Realtor.ca on a screen (french)

La COVID-19 et REALTOR.ca

S’il faudra patienter un certain temps avant d’obtenir des chiffres précis sur les conséquences à long terme de la pandémie, REALTOR.ca nous indique que les gens cherchent actuellement plus d’espace.

Par exemple, depuis le début de la pandémie, l’achalandage sur REALTOR.ca a connu une hausse d’environ 35 %, et ce sont les maisons unifamiliales qui font le plus souvent l’objet d’une recherche. À l’inverse, les recherches de copropriétés ont diminué de 20 %, et celles pour des unités multifamiliales, de 11 %.

Seul le temps nous dira si les comportements en matière de recherche reviendront à la normale avec un vaccin.

Une tendance similaire touche l’immobilier commercial. Cette année, le nombre de visiteurs de REALTOR.ca à la recherche d’un immeuble commercial a diminué de 14 %. Les entreprises, petites et grandes, revoient leur milieu de travail et leurs besoins en matière d’espace. Cette tendance aura probablement une incidence à long terme plus considérable que celle observée dans l’immobilier résidentiel, croit Patrick Pichette, vice-président, REALTOR.ca.

« Notre société a accéléré le virage technologique. On en voit des exemples dans tous les secteurs. Pensons au milieu de la restauration, où les services de livraison sont de plus en plus populaires. Ou aux municipalités, qui utilisent des plateformes comme Zoom pour consulter leurs citoyens », ajoute M. Pichette. « La COVID-19 nous a montré que nous, en tant que personnes ou entreprises, pouvons fondamentalement changer nos façons de faire bien plus vite que nous le croyions. Un bon exemple : quelques jours seulement après le confinement, les courtiers et agents immobiliers se sont tournés vers les visites virtuelles et les plateformes de diffusion en direct pour poursuivre leurs activités. »

Quel est l’avenir des technologies de l’immobilier?

« En ce qui concerne les technologies de l’immobilier, il n’y aura pas de retour à l’avant-COVID-19. Nous devons regarder de l’avant plutôt que derrière. Les fondements des relations avec les clients n’ont pas changé. Celles-ci reposent toujours sur la qualité du service, les connaissances, le professionnalisme et la confiance. Ce sont les outils qui changent rapidement », explique M. Pichette. « Les courtiers et les agents doivent s’ajuster à la réalité actuelle en mettant l’accent sur les technologies et les innovations, en faisant les bons investissements et en élaborant une stratégie pour ce virage numérique qui s’est accéléré ces derniers mois. »

Sarah O'Neill est conseillère en communications. Elle est chargée de concevoir divers produits de communication interne et externe, comme du contenu de blogue, des bulletins d’information, des messages sur les réseaux sociaux et des notes d’allocution. Avant de se joindre à l’ACI, Sarah a travaillé comme journaliste dans une petite ville et comme rédactrice de contenu en ligne pour l’un des plus grands médias nationaux au Canada. Dans ses temps libres, Sarah rénove sa maison centenaire, fait de l’exercice à la salle de sport ou regarde en rafale des émissions de télé-réalité « quétaines ».


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